Pesticides: la bataille tactique s'ouvre à l'Assemblée sur la loi Duplomb

La loi agricole dite Duplomb, qui divise l'Assemblée sur la réintroduction de pesticides néonicotinoïdes, arrive lundi dans l'hémicycle pour une première séance qui pourrait être la dernière : le bloc central espère contourner la multitude d'amendements déposés par les écologistes et insoumis par une motion de rejet tactique.
Près de 3.500 amendements (certains seront irrecevables ou retirés) et moins de deux heures de discussions ? C'est le scénario singulier que pourrait écrire en fin d'après-midi l'Assemblée nationale, scrutée par des agriculteurs, dont les premiers tracteurs étaient en place lundi matin pour une manifestation aux abords du palais Bourbon à l'appel des Jeunes agriculteurs et de la FNSEA.

"Vital" pour la FNSEA, premier syndicat agricole, le texte est "d'inspiration trumpienne", accuse la députée écologiste Delphine Batho, quand Aurélie Trouvé (LFI) dénonce dans Le Monde "une capitulation politique, celle de la bifurcation écologique". Leurs deux groupes ont déposé jeudi une large majorité des amendements (près 1.500 pour les écologistes et 800 pour LFI), tout en réfutant toute "obstruction".
"C'est un blocage en bonne et due forme" contre un texte "essentiel" pour les agriculteurs, réplique Julien Dive (LR), estimant que le calendrier parlementaire ne permettra pas d'aller au vote.
Ajoutant au baroque, c'est le député-rapporteur de ce texte visant à "lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur" qui a lui-même déposé une motion de rejet, qu'il pourrait défendre à la tribune pour contourner le "mur d'amendements".
Les députés favorables à l'essentiel de cette loi, soutenue par la ministre de l'Agriculture Annie Genevard (LR), se mobiliseront pour la rejeter. Ses contempteurs espéreront que la motion échoue, et que le texte soit modifié dans l'hémicycle.

Car si elle est adoptée, la navette parlementaire sautera en quelque sorte la case Assemblée, une commission mixte paritaire (CMP) réunissant à huis clos sept députés et sept sénateurs devant alors s'accorder sur une mouture commune.
Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a lui appelé "les parlementaires qui [les] soutiennent à voter cette motion de rejet" au micro de franceinfo, tout en regrettant "qu'il n'y ait pas de débat".
"Aucune majorité certaine"
Le RN devrait voter cette motion. Nos députés "feront tout pour que la loi Duplomb (...) soit adoptée !" a martelé Marine Le Pen lundi matin sur X, dénonçant "le sabotage législatif mis en œuvre par l’extrême gauche".
Une bonne partie du bloc central pourrait également la voter.
Le premier secrétaire du Parti socialiste a pour sa part dénoncé un "prétexte" utilisé par le gouvernement pour dissimuler "de grands désaccords au sein du bloc majoritaire actuel" sur BFMTV-RMC.

La stratégie aura un effet indésirable pour les députés: la CMP repartirait de la version sénatoriale, favorisant les parlementaires de la chambre haute dans la négociation.
Et si la CMP trouve un accord, il devra encore être adopté par un dernier vote dans chaque chambre.
"S'il sort dans une version proche de celle du Sénat, il ne sera pas voté à l'Assemblée", prédit Pascal Lecamp (MoDem), opposé à la réintroduction de néonicotinoïdes. En l'état le texte "ne dispose d'aucune majorité certaine" et contient "plusieurs dispositions inconstitutionnelles", a prévenu son président de groupe Marc Fesneau dans une lettre aux chambres d'agriculture.
Une "conférence des présidents" réunissant "autour de Yaël Braun-Pivet les vice-présidents de l'Assemblée, les chefs de groupe, les présidents de commission et un représentant du gouvernement" se tiendra à 15H00 "pour discuter de l'examen de la proposition de loi", d'après des sources parlementaires.
"Pressions"
La version du texte adoptée au Sénat à l'initiative du sénateur LR Laurent Duplomb ne manque pas d'objets clivants.
A commencer par la réintroduction, à titre dérogatoire, de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018. Ses effets chez l'humain font l'objet d'inquiétudes, même si ces risques restent incertains, par manque d'études d'ampleur.

Autorisé ailleurs en Europe, il est notamment réclamé par les filières de betterave ou de noisette, qui estiment n'avoir aucune autre solution contre les ravageurs. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles".
Plusieurs permanences de députés ont été dégradées en marge de l'examen de la loi. Des "pressions" et "actes d'intimidation" dénoncés par la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet.
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