Sebastião Salgado, grand témoin de l'état du monde, est mort

Grand témoin de la condition humaine et de la planète, le photographe franco-brésilien Sebastião Salgado, connu pour ses grandes images en noir et blanc de peuples défavorisés et de la forêt amazonienne, est mort vendredi à 81 ans à Paris.
L'Académie des Beaux-Arts française, dont il était membre, a annoncé son décès.
"Photographe parcourant le monde sans arrêt, il a contracté une forme particulière de malaria en 2010, en Indonésie, dans le cadre de son projet +Genesis+. Quinze ans plus tard, les complications de cette maladie se sont transformées en une leucémie sévère, qui a eu raison de lui", a fait savoir sa famille dans un communiqué transmis à l'AFP.

De Brasilia, le président brésilien Lula a rendu hommage à son compatriote, "l'un des plus grands et meilleurs photographes que le monde ait connus".
La Maison européenne de la photographie, à Paris, a évoqué ses images "puissantes, profondément engagées et d’une force graphique rare", qui "ont contribué à transformer notre regard sur le monde".
Un de ses confrères, l'Américain Steve McCurry, a salué sur Instagram "sa vision et son humanité". "Il n'a pas seulement documenté la condition humaine avec une profondeur inégalée, mais a aussi aidé à sauver la planète avec son travail pour la reforestation (...)", a-t-il écrit.
Dans son Etat natal de Minas Gerais, Salgado a fondé l'institut Terra, pour faire repousser la forêt et régénérer la biodiversité.
Selon la présidence de la COP30 sur les changements climatiques, prévue en novembre au Brésil, il a "inspiré des millions de personnes en décrivant, avec sensibilité et maestria, la relation entre l’humanité et l’environnement".
Certains reprochaient à Salgado de tirer profit d'une "esthétique de la misère", des critiques qu'il préférait ignorer.
Il n'avait "jamais détourné le regard" du réel "pour que le monde puisse, à son tour, le regarder en face", a relevé la ministre française de la Culture Rachida Dati.
"langage puissant"
Il laisse un héritage unique en images de ses centaines de voyages à travers la forêt amazonienne mais aussi à travers la planète, du Rwanda à l'Indonésie, du Guatemala au Bangladesh, capturant avec son objectif des tragédies humaines comme la famine, les guerres ou les exodes massifs.

Il concevait la photographie comme "un langage puissant pour tenter d'établir de meilleurs rapports entre les hommes et la nature", rappelle l'Académie des Beaux-Arts française dans sa biographie.
Il travaillait presque exclusivement en noir et blanc, qu’il considérait à la fois comme une interprétation de la réalité et une manière de traduire la dignité irréductible de l'humanité.
Né le 8 février 1944 à Aimorés, dans le Minas Gerais au Brésil, économiste de formation, il s'était exilé en France en 1969 pour fuir la dictature militaire avec sa future épouse, Lélia Wanick, avec qui il a eu deux fils.
Il avait débuté sa carrière de photographe professionnel en autodidacte en 1973 à Paris, intégrant tour à tour les agences Sygma, Gamma et Magnum jusqu'en 1994. Il avait alors fondé avec son épouse Lélia Wanick une agence exclusivement dédiée à son travail, Amazonas images, devenue leur studio.
"Mode de vie"
Ses photos ont été publiées dans la presse internationale et dans des magazines comme Life ou Time, et ont fait l'objet d'innombrables livres ("Exodus", "Genesis", "Amazônia", "De ma terre à la Terre"...) et expositions.

Dans le cadre de l'année France-Brésil, une rétrospective de 170 clichés emblématiques de Salgado se tient jusqu'à début juin à Deauville, en Normandie.
La photographie "est un mode de vie, c'est mon idéologie", confiait-il à l'AFP en 2022, à Sao Paulo, durant la présentation de son exposition "Amazonie", fruit de sept ans de travail dans la plus grande forêt tropicale de la planète.
Au printemps de la même année, il présentait "Aqua Mater" au coeur du quartier d'affaires de la Défense à Paris, un travail sur l'eau et son importance.
Il disait alors que ses photos représentaient "l'essence de la vie, l'eau qui naît des forêts (...). Elles racontent l'histoire de l'eau en abondance et celle dont manquent ceux qui vivent dans des camps de réfugiés, dans le désert", ajoutait-il, appelant à cesser "notre destruction massive de la planète au profit d'un équilibre".
Il devait inaugurer samedi à Reims (nord-est de la France) une exposition de dessins de son fils Rodrigo, 45 ans, porteur de trisomie 21, à l'église du Sacré-Coeur, pour laquelle une douzaine de vitraux ont été réalisés à partir de ses oeuvres.
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